Perchée au-dessus de la ville de Cusco, à une altitude de 3400 mètres, la population péruvienne surplombe la majestueuse cordillère des Andes, un écrin de biodiversité exceptionnelle. En l’espace de quelques années, la cuisine péruvienne a émergé comme une étoile montante de la scène gastronomique mondiale. Alliant un retour aux racines et une fusion culturelle, elle s’est imposée de Lima à Paris, notamment avec sa variante nikkei (fusion nippo-péruvienne) qui connaît un franc succès.
Ingrédients péruviens
La Mistura, pour sa dixième édition, vient de lancer sa foire. Cette manifestation gastronomique majeure d’Amérique latine a élu domicile dans le quartier historique de Rimac à Lima, véritable berceau des courants musicaux et culinaires métissés du Pérou. El Gran Mercado, placé au centre de cette foire, rassemble une multitude de producteurs péruviens, grands comme petits. L’agriculture biologique y est prédominante, et les étals se parent de diverses variétés de pommes de terre, de maïs noirs ou violets, et de ajís, des piments rouges ou orangés, rivalisant avec les cafés et chocolats de provenance locale.
Autour d’El Gran Mercado, des kiosques éphémères offrent des chupes, des lawas et d’autres sancachados, des bouillons et soupes typiquement péruviens. Plus loin, on trouve des bars à ceviches et des barbecues de cuisine chifa, sino-péruvienne. Non loin, les épouses des pêcheurs locaux font l’éloge de leurs prises, poissons et fruits de mer impressionnants, bénéficiant de la rencontre de courants marins chauds et froids qui font des eaux péruviennes les plus poissonneuses du monde. Il est enfin impensable de passer à côté de la dégustation du pisco, une boisson alcoolisée locale aux nombreuses variantes, qui attire près de quatre cent mille visiteurs pendant les semaines que dure cet événement.
Sommaire
La gastronomie péruvienne et la cuisine nikkei
Mais quelle est l’origine de cet engouement pour la cuisine péruvienne? Durant les années 80, les chefs péruviens de renom ont créé le concept de la cuisine novo-andine qui revisite la gastronomie pré-colombienne. Ce n’est qu’au début des années 90, après des études à Paris au Cordon Bleu, que Gaston Acurio ouvre son premier restaurant à Lima : Astrid y Gastón. Initialement, on y servait du foie gras et du bœuf bourguignon, mais Gaston Acurio a ensuite redécouvert les richesses de son pays, explorant chaque recoin et découvrant que l’agriculture andine, établie par les Incas, offrait une diversité de graines et de légumes bien au-delà des tomates, pommes de terre et oignons apportés en Europe par les conquistadors. Il les a intégrés à sa cuisine et, en vingt ans, à travers l’ouverture de plus de 40 établissements dans le monde, la gastronomie péruvienne s’est élevée à un niveau d’excellence reconnu. Alain Ducasse, Olivier Roellinger, Michel Bras… les grands noms de la cuisine mondiale ont reconnu le talent péruvien.
Manko : un établissement péruvien à Paris
Sur l’avenue Montaigne à Paris, Gaston Acurio a inauguré son restaurant, baptisé Manko, en hommage au légendaire Manco Cápac, fils du dieu Soleil et fondateur de l’empire Inca. Le Manko, qui s’étend sur près de 1000 m2, vibre au rythme de la culture péruvienne grâce à la décoration signée Laura Gonzalez. La carte propose un éventail de plats à base de poissons crus, des tiraditos, des ceviches, un leche de tigre – une marinade épicée de piment et de citron –, des anticuchos – des brochettes marinées – et des causas – des purées de pommes de terre froides agrémentées de pâte de piment jaune et de citron. L’association des saveurs est surprenante et séduisante.
Au-delà de cette fusion culinaire qui a su intégrer ses racines africaines, chinoises, japonaises, andines et espagnoles en un véritable multiculturalisme, le palais est invité à découvrir des goûts inattendus. Cela est sans doute dû aux ingrédients de base, à leur combinaison habile, un mélange d’amertume et de salé, de sucré, d’acide et d’umami, caractéristique de la cuisine nikkei (cuisine des émigrés japonais au Pérou). La maîtrise des marinades et la finesse des nuances apportées par les piments éveillent les papilles.
Virgilio Martinez : un chef qui conquiert les sommets !
La renaissance de la cuisine andine est portée par des chefs talentueux comme Virgilio Martinez à Lima. Que ce soit dans ses plantations ou lors de ses explorations, Virgilio Martinez déniche des saveurs uniques et crée de nouvelles harmonies culinaires en véritable alchimiste. Ses assiettes sont traitées comme des œuvres d’art colorées.
Le Central a été élu meilleur restaurant d’Amérique latine en 2016 selon le classement des “50 Best Restaurants”. La carte de Virgilio Martinez propose un périple à travers les différentes altitudes du Pérou. Chaque plat des 17 proposés est lié à des produits provenant d’une altitude spécifique, allant de moins trente mètres pour certains fruits de mer à plus de trois mille mètres pour certaines fleurs ou lichens. Cela illustre la mégadiversité biologique du Pérou, où 84 des 117 écorégions naturelles mondiales sont représentées.
Quelle est la particularité de votre cuisine ici, au Central, au cœur de Lima ?
Avant tout, c’est une quête d’aventure, celle de découvrir la diversité des ingrédients méconnus ou oubliés du Pérou. Je parcours le pays à la recherche de lichens, d’algues, d’herbes et de couleurs. Je rencontre des producteurs, des chasseurs, des cueilleurs et des chamans. J’écoute, je sens, je goûte, puis ces ingrédients sont acheminés ici, où nous vérifions leur comestibilité. Mon approche est empirique et nécessite une certaine rigueur.
Le Central aurait-il pu voir le jour ailleurs qu’au Pérou ?
Non ! Avant d’ouvrir ce restaurant il y a neuf ans, j’ai travaillé à New York, Madrid, Barcelone, Londres, et même en Asie du Sud-Est. La particularité du Pérou réside dans sa biodiversité extraordinaire, allant des sommets andins aux déserts arides, de l’océan Pacifique aux jungles amazoniennes. Tous les produits que nous utilisons proviennent d’ici. Nous n’importons rien. Nous privilégions les circuits courts. À Cusco, l’ancienne capitale inca située au cœur des Andes, on trouve plus de trois mille variétés de pommes de terre, quatre-vingt types de quinoa, et trente-sept espèces de maïs !
Quelles sont les autres influences de votre cuisine ?
Les racines de notre cuisine indigène sont millénaires, bien antérieures à la culture inca. Ces cinq derniers siècles ont vu l’arrivée des Espagnols, notamment des Andalous, des Juifs, des Africains, des Chinois et des Japonais. Chacun a apporté sa propre culture culinaire. Ils ont tous utilisé les produits locaux pour créer de nouvelles cuisines, uniques au Pérou, que le monde entier commence à découvrir.
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