Chicorée : Boisson ancestrale fait un retour fracassant, les raisons dévoilées !

Apparentée à l’endive, la chicorée est identifiable par ses magnifiques fleurs bleues qui éclosent en été. Elle est principalement consommée sous forme soluble pour préparer des boissons chaudes. La France domine le marché mondial de la chicorée, avec une production presque exclusivement localisée dans les Hauts-de-France. Malgré sa popularité dans les années post-guerre due à la rareté du café, son usage a diminué par la suite. Cependant, de nos jours, tant les nouvelles entreprises (Nourée, Cherico) que les acteurs historiques (Chicorée Leroux, Chicorée Lutun) reviennent sur le devant de la scène.

« La période de semis de la chicorée s’étend de fin mars à fin avril pour l’agriculture conventionnelle, et de mi-avril à fin mai pour l’agriculture biologique. Les trois premiers mois, sa croissance est lente, et la récolte se fait du fin septembre à fin novembre », détaille Emmanuel Dervaux, agriculteur bio à Quarouble, près de Valenciennes (Nord). Ce qui est récolté, c’est la racine, tandis que les feuilles sont broyées et laissées sur place pour enrichir le sol. « Cette plante robuste peut survivre six mois sans eau, car elle puise l’humidité dans le sol jusqu’à 1,20 mètre de profondeur grâce à ses radicelles. Elle est principalement sensible aux mauvaises herbes », ajoute Yannick Delourme, responsable chez l’Interprofession de la chicorée de France et enseignant à l’école d’ingénieurs Junia ISA, à Lille. Actuellement, environ 250 agriculteurs cultivent la chicorée sur près de 2 000 hectares dans les Hauts-de-France, contre 4 000 hectares il y a 30 ans.

1. Les racines sont récoltées en automne, puis nettoyées et séchées. En France, quelques spécialistes, dont le leader Chicorée Leroux, prennent en charge cette étape, étant le seul à contrôler l’ensemble de la chaîne de production.
2. Les racines séchées sont coupées en cossettes, de gros copeaux qui sont ensuite torréfiés entre 150 et 180 °C. Cette torréfaction est réalisée par des experts, comme chez Chicorée Lutun.
3. Les cossettes sont refroidies et triées. Les morceaux irréguliers sont concassés en différentes tailles selon les besoins. Certains sont vendus à des grossistes sous cette forme.
4. Le reste est broyé pour obtenir une poudre. Une partie de cette poudre est vendue telle quelle pour être infusée, une autre est transformée en chicorée liquide et une dernière en chicorée soluble.

Si le nom Ricoré vous évoque quelque chose et que vous avez plus de 30 ans, vous pensez probablement immédiatement à son slogan. La chicorée est en effet un composant majeur de Ricoré (Nestlé). « Ricoré est composé d’un tiers de café et de deux tiers de chicorée. Parmi ces deux tiers, on trouve de la chicorée soluble mais aussi des fibres de chicorée, extraites directement de la racine sans torréfaction. La formule n’a pas changé, afin d’assurer un apport élevé en fibres (1) », précise Christelle Arrighi, directrice marketing chez Ricoré, une marque qui connaît une « croissance de 6 % depuis le début de l’année avec plus de 220 000 nouveaux foyers consommateurs ». La chicorée utilisée dans Ricoré provient à 70-80 % de France.

(1) 45 g de fibres pour 100 g, contre 29 g pour le mélange chicorée-café de Chicorée Leroux, par exemple.

« Nous savons que 70 % des consommateurs de Ricoré ont plus de 50 ans, indique Christelle Arrighi, mais la marque commence également à attirer les nouvelles générations soucieuses de leur santé. » Sarah Azens, de Nourée, ajoute : « Nos clients, majoritairement des femmes (70 %), recherchent des produits locaux. » Cherico, créée par les fondateurs de Gallia (une bière parisienne), adopte les codes marketing du café pour capturer un nouveau public. « On constate clairement que les trentenaires veulent réduire leur consommation de café, pour des raisons écologiques (déforestation, empreinte carbone, changement climatique) et de santé », explique Doriane Le Leu, responsable marketing et communication chez Cherico, qui commence également à s’implanter dans les coffee-shops. « Nous sommes présents dans une centaine d’établissements en France aujourd’hui, et recevons des demandes quotidiennement. Certains souhaitent retirer le décaféiné de leur offre, jugé peu écologique et utilisant des solvants… Ils voient dans la chicorée une alternative parfaite, locale et durable ! »

« Un léger goût de caramel, dû à la torréfaction à 180 °C durant deux heures », explique Ghislain Lesaffre, PDG de Chicorée Leroux, entreprise familiale depuis 1858. « Je dirais que son goût est très caractéristique. Elle est légèrement torréfiée, naturellement sucrée, caramélisée avec des notes de noisettes, sans l’amertume prononcée du café », ajoute Sarah Azens, fondatrice de Nourée, une marque jeune et haut de gamme bio lancée en 2020 pour offrir une alternative saine au café ou au thé. « C’est une boisson réconfortante, à la fois caractérielle et douce », complète Agnès Lutun, dirigeante de Chicorée Lutun, qui célèbre ses 90 ans, dont certains produits sont bio (marque Bio Lutun, ou Lutun pour le non-bio). Le goût est finalement très proche de celui du café soluble.

« Il faut l’infuser comme du thé dans une boule à thé, par exemple. Vous pouvez aussi la mélanger à du café moulu à 80 % dans votre cafetière, mais pas dans une cafetière à grains, car les grains de chicorée sont plus durs que ceux du café », conseille Agnès Lutun, dont la marque propose également des capsules (compatibles Nespresso).

Il suffit d’ajouter 25 cl d’eau chaude (non bouillante pour préserver les bienfaits) à une à trois cuillères à café de chicorée selon vos préférences. Pour plus de gourmandise, vous pouvez opter pour du lait ou une boisson végétale (soja, avoine, noisettes…). Si vous n’appréciez pas totalement le goût de la chicorée pure, ou simplement pour varier, essayez des mélanges de chicorée. Cherico propose une chicorée avec du guarana (pour l’effet stimulant du café), Nourée avec du cacao équitable, Chicorée Leroux avec de la noisette (arôme)…

La chicorée est également disponible en version liquide. « Les chefs de notre région l’adorent. C’est un véritable exhausteur de goût, à utiliser avec parcimonie en assaisonnement d’une salade, dans un mélange avec du gingembre et du miel pour un plat asiatique… », recommande Agnès Lutun.

Voici une sélection non exhaustive pour découvrir différents goûts. Notez que seuls Chicorée Leroux et Lutun torréfient leur chicorée (le premier assurant aussi le séchage). Les autres marques se fournissent en chicorée déjà torréfiée et créent leurs propres recettes.

LUTUN, chicorée en grains

À utiliser dans une boule à thé pour infusion dans de l’eau ou du lait. Ou bien en mélange avec du café moulu dans une cafetière (avec pas plus de 20 % de chicorée dans le mélange). Parfaitement équilibrée, très légère amertume, naturellement légèrement sucrée. À partir de 1,50 € les 500 g.

BIO LUTUN, chicorée liquide (Bio)

Pour la cuisine. Suivez le conseil de Florent Ladeyn et remplacez la vanille ou le caramel dans vos recettes de desserts. Bluffant, ajoute un petit plus inattendu ! Rehausse également les plats salés. 4,40 € les 250 ml.

CHICORÉE LEROUX, chicorée café

Pour une introduction en douceur à la chicorée, tout en conservant un peu de café. Un peu plus sucré que du café soluble classique, mais pas sûr que le palais non initié voit vraiment une différence. 4,19 € les 200 g.

NOURÉE, chicorée Escale Cacao (Bio)

Mélange 50-50 de chicorée et de cacao équitable. Un délice, avec un goût de chocolat très prononcé. À tester au goûter. 11,90 € les 100 g.

CHERICO, Chicorée & Guarana (Bio)

92 % de chicorée et 8 % de poudre de guarana. Subtil et intéressant si vous avez besoin de l’effet stimulant du café (à boire plutôt le matin ou début d’après-midi). 7,99 € les 80 g (environ 20 tasses).

LIMA, chicorée Oat Latte (Bio)

Un mélange bio d’extrait d’avoine et de chicorée instantanée, riche en fibres, à faire mousser au fouet pour un « latte » tout doux au goût de céréales d’enfance. 5,24 € les 100 g.

À la tête de plusieurs restaurants (Auberge du Vertmont, Bloempot…) dans le Nord, Florent Ladeyn est engagé dans une cuisine de territoire, locale et durable. Logiquement, il est un fervent utilisateur de la chicorée. « Je n’utilise que celle d’Agnès Lutun », affirme-t-il. Dans ses établissements, à la fin du repas, point de café, uniquement de la chicorée, mais pas telle quelle à l’eau chaude. « Pour une belle amertume sans saturation du palais, on a créé un mélange avec du malt acide et du tournesol torréfié, que l’on sert en mode slow coffee, comme un café filtre. » Car l’amertume, « saveur la plus identitaire du Nord », le chef y tient ! « L’amertume est clé, elle offre une typicité qui met en valeur les autres saveurs, il ne faut ni la combattre ni l’éviter. » Florent Ladeyn utilise aussi les feuilles de certaines chicorées en salade, ou encore la chicorée liquide dans nombre de ses recettes (avec un canard laqué par exemple…). Son conseil ? « Testez-la dans un dessert lacté, en remplacement du café – dans un tiramisu – ou de la vanille – dans une crème brûlée. »

« Essayez-la après un repas copieux, et vous ressentirez ses bienfaits immédiatement », sourit Agnès Lutun. La chicorée favorise en effet la digestion et protège la flore intestinale grâce à sa richesse en fibres, notamment en inuline, qui agit comme un prébiotique en nourrissant les bactéries de l’intestin. Sans caféine, elle peut être consommée à tout moment de la journée, même après le dîner. Elle contient également des quantités intéressantes de vitamines (A, B, C…), de minéraux (phosphore, magnésium, fer) et d’antioxydants. À noter que, contrairement au café, la chicorée contient naturellement du sucre (jusqu’à 20 % selon les produits).